Cahier 2 - Extraits

Syénten – Cahier N°2
Interrogations suspendues
Traverser la matière, épouser la sagesse

 

Extrait 1

 

La vacuité

Ce chapitre présente les défauts de la croyance en la réalité des choses (substantialité et permanence) dans un chemin*, et l’avantage d’examiner la richesse de la notion de vacuité.

Les sujets suivants sont abordés :

  • Vue dualiste
  • Enquête
  • Vacuité et sagesse
  • Définition de la vacuité
  • Nécessité de méditer
  • Vacuité et méditation
  • Vacuité et analyse conceptuelle
  • Vacuité et interdépendance
  • Exemple de la table
  • Métaphores des aspects de la vacuité
  • Semblable au rêve
  • Effets de l’examen du concept de vacuité
Vue dualiste

Dans la vue mondaine contaminée par le dualisme, les tendances et les afflictions, tout ce que nous voyons est considéré comme existant : la nature avec sa végétation, les êtres sensibles, les productions humaines telles que les maisons, les entrepôts, etc. Tout ce que l’on peut toucher, voir, entendre, sentir ou goûter est jugé existant.

L’espace et le temps semblent exister aussi, au moins pour des raisons pratiques : l’espace est le contenant indispensable à la présence de la matière, et le temps est un sous-entendu commode pour expliquer le changement.

De ce fait, exister signifie principalement apparaître à nos sens. Les éléments comme le vide, l’espace, le temps existent indirectement, par inférence à partir de ce qui existe directement.

Certaines choses existent temporairement à l’intérieur de notre esprit : les pensées, les émotions, les ressentis, les images. Bien qu’elles ne bénéficient pas de la participation des sens, leur existence est acceptée par l’ensemble des êtres humains.

Enquête

L’enquête qui suit (Vacuité et... à Semblable au rêve) consiste en une étude du concept de vacuité dans une perspective de bien-être et de sagesse. L’objectif est de pouvoir vivre au milieu des apparences dans la vie quotidienne sans les saisir de manière égotique, pour éviter les conséquences karmiques*.

Voici précisé le sens de certains termes utilisés dans ce chapitre :

La substance est ce qui est permanent et qui possède une existence propre.
▪ L’essence d’un phénomène est ce qu’il est à l’état pur. On l’identifie parfois au terme « nature ». Lorsqu’on cherche l’être d’un phénomène on aboutit à l’essence, et si on interroge sa constitution on aboutit à la nature.
La matérialité est ce qui paraît consistant pour la perception sensorielle, ce qui semble avoir un volume, une profondeur.
Vacuité et sagesse

La notion de vacuité est fondamentale dans le bouddhisme du grand véhicule qui utilise la méditation sur la vacuité des phénomènes et du soi pour se libérer des voiles*. La méditation sur la vacuité du soi libère des voiles émotionnels et celle qui porte sur la vacuité des phénomènes affranchit des voiles cognitifs.

La vacuité d’un phénomène exprime le fait qu’il n’a pas de nature propre et qu’il n’apparaît qu’en dépendance de causes et de conditions. Ce sont des conditions, c’est-à-dire la présence de certains autres phénomènes, qui déterminent son apparition. Ce concept est complémentaire de celui de « phénomène en totale dépendance ». Faussement considérée comme un synonyme de vide, la vacuité n’est qu’une absence d’existence propre, de nature propre, d’essence, mais elle n’est pas vide de clarté ou de présence par exemple.

Comment la méditation sur la vacuité peut-elle libérer des voiles* émotionnels et cognitifs ? Reconnaître qu’un phénomène n’a pas d’existence propre, c’est empêcher de le saisir, car on ne peut saisir le vide. Ne saisissant pas, ne s’appropriant pas, on ne génère pas d’empreinte karmique dans le continuum de conscience, on devient libre de karma* et d’afflictions. Ces dernières, en effet, sont des réactions émotionnelles qui ont lieu suite au « contact sensation » d’un phénomène. Par exemple, lorsqu’on nous insulte, il y a contact auditif avec l’insulte, sensation désagréable et réaction par la colère, le mépris ou la peur. Sans action (saisie) à la sensation désagréable résultant de l’insulte, on resterait calme.

Définition de la vacuité

La notion de vacuité utilisée dans le chemin* bouddhique a une définition précise, c’est l’absence d’existence propre. Un phénomène est vacuité s’il n’existe pas par lui-même, s’il a besoin de la présence d’autres phénomènes pour apparaître. Par exemple la notion de père n’existe que s’il a au moins un enfant. En absence de progéniture, il n’est pas un père. La notion de père est donc vacuité. Dans cet exemple, la vacuité est facile à découvrir, puisque le concept de père est l’un des termes de la relation « père enfants ».

Tous les phénomènes sont vacuité. En effet, ils sont impermanents (à part quelques exceptions comme l’espace) : ils apparaissent à un certain moment, se maintiennent pendant une durée qui peut être très longue à l’échelle humaine, puis disparaissent.

On essaie maintenant de savoir s’ils ont une existence propre... Le fait qu’il leur arrive de disparaître et de réapparaître pose un problème que l’on envisage ici selon deux hypothèses : soit ils se cachent puis ils reviennent, soit ils ne sont que des apparitions (c’est-à-dire qu’ils sont vacuité). Dans le premier cas ils possèdent une substance, et non dans le second.

Pour trouver la solution, il faut passer par l’intériorité. On pose l’attention sur un phénomène, et on observe sa façon d’arriver, de demeurer, de s’en aller… Après de longues observations, on aboutit à la certitude que sa nature est vide, qu’il est vacuité.

Hypothèse d’absence d’existence propre des phénomènes

Nous faisons l’hypothèse qu’aucun phénomène n’a d’existence propre : une chaise, la mer, un nuage, une profession, une couleur, nous, etc. Absolument rien dans la manifestation n’a d’existence propre. Même s’il paraît solide, le monde ressemble plutôt à un bouquet d’apparitions impermanentes, une danse fantomatique. Même le « moi » est vacuité. Ce que nous croyons être n’existe pas en lui-même. Ce « moi » dépend d’un certain nombre de conditions intérieures et extérieures. Il vient et il disparaît au rythme des pensées et des événements. Il est à la fois un concept et une croyance. Personne ne l’a jamais vu, et pourtant il arrive qu’on se batte et s’entre-tue pour lui. C’est donc d’une illusion à fort pouvoir « hypnotique ».

Enquête en rapport avec cette hypothèse

Supposons qu’un phénomène ne soit pas vacuité mais une substance qui se cache et apparaît de temps en temps, sous certaines conditions. Dans le monde grossier, le soleil se cache à la perception pendant la nuit, et pourtant on sait qu’il brille encore sous d’autres longitudes. Ceci se passerait d’une façon similaire pour tous les phénomènes. La méditation doit donc être assez fine pour détecter la présence ou l’absence de substance.

Par contre, un arc-en-ciel est une illustration manifeste de phénomène dont la nature est vacuité. En effet, tout le monde s’accorde à considérer qu’il n’est qu’un phénomène optique éphémère dont l’apparition est due à certains facteurs météorologiques. Ainsi, on ne pense pas de manière générale qu’il se cache quelque part avant de réapparaître.

En résumé, pour régler l’alternative « vacuité ou substance », il faut examiner si un phénomène se comporte selon la métaphore du soleil ou celle de l’arc-en-ciel.

 

Extrait 2

 

Croyance et discernement

Ce chapitre examine par quelques exemples deux modes de fonctionnement de l’esprit : le mode « croyance » et le mode « discernement », l’objectif étant de voir comment ces deux attitudes incorporent les influences extérieures dans l’intériorité.

Lorsque nous sommes fatigués ou paresseux, notre esprit se contente du mode « croyance » dans lequel la réaction à une information est :  « j’y crois », « je n’y crois pas », ou encore « je ne sais quoi en penser ». Nous pouvons souscrire à une information parce qu’elle entre dans notre bibliothèque de « prêt à accepter » ou que nous accordons notre confiance à son auteur pour des raisons sentimentales, par empathie, admiration, etc.

Voici quelques comportements du mode croyance :

  • croire
  • ne pas croire
  • ne pas savoir quoi penser
  • se rallier à l’opinion du plus grand nombre
  • se rallier à l’opinion du plus fort
  • comparer les opinions et choisir celle qui est la plus en accord avec nos tendances et afflictions
  • rester indifférent

Très éloigné de cette manière passive, le mode « discernement » consiste à observer les faits réels en rapport avec l’information, et à y réfléchir à l’abri des afflictions, avec un esprit calme, vaste, clair et accueillant rendu possible par le travail intérieur. Ce mode de cueillette de l’information limite notre dépendance aux influences externes et internes. Cueillir une pomme et la manger est un acte en mode croyance, tandis que la cueillir en vérifiant qu’elle est mûre, que l’acte ne constitue pas un vol, etc. avant de la croquer est un acte accompli en mode discernement.

Voici le processus de choix du mode discernement :

  1. méditer pour se placer dans un état non perturbé
  2. vérifier l’information et la chaîne d’informateurs
  3. réfléchir en intégrant l’éthique
  4. méditer encore et prendre sa décision

Les sujets suivants sont abordés dans ce chapitre :

  • La descente aux enfers
  • Croyance et discernement au quotidien
  • Influences médiatiques
  • Croyance et influences médiatiques
  • Discernement et influences médiatiques
  • Dictature
  • Types de dictature
  • Croyance et dictature
  • Discernement et dictature
  • Défauts de la croyance
  • Moyens d’assainir la croyance
  • Croyance et méditation
  • Mixage des modes croyance et discernement
  • Discernement et chemin de sagesse
  • Discernements méditatif et quotidien
  • Exemple d’utilisation du discernement

Publié dans cahier 2

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